On accède aux remparts par une petite porte du deuxième étage. Dès que cette porte est ouverte, le vent ne manque jamais de s'engouffrer à l'intérieur, faisant frissonner les élèves, et soulevant les robes des jeunes filles, au plus grand plaisir de certains garçons. Rares sont ceux qui vont se promener le long des créneaux, quand bien même la vue y est magnifique. En effet, cet endroit qui servait auparavant de guet pour repérer les invités, inopportuns ou non (mais aussi de point de rendez-vous pour les archers lorsqu'il fallait défendre le château), attire peu les nouveaux venus. Il faut dire qu'il y fait toujours froid, même en été, à cause du vent qui ne cesse presque jamais d'y souffler. Certains s'y risquent de temps en temps, sans doute pour parler à l'abri des regards et des oreilles... on les voit alors revenir, les lèvres bleuies, les genoux tremblants, les mains serrées sur leurs épaules, essayant de se réchauffer, tandis que leurs dents continuent de claquer.

Le divinatorium est une salle entièrement blanche. Il n'y a aucune fenêtre, et pourtant on ne peut pas se retenir de plisser les yeux lorsqu'on entre, tant le blanc est lumineux. La pièce ne possède aucun coin, tout est rond : les murs forment un cercle, le plafond un dôme, et il en résulte l'impression d'être dans une sphère. Vous pourriez rester des heures dans le divinatorium sans que rien ne se passe. Vous pourriez y passer la nuit, tenter de garder l'œil ouvert et de résister au sommeil sans que rien ne viennent rompre votre ennui. Mais, si vous avez de la chance, il est possible que vous assistiez à quelque chose d'extraordinaire. Il est possible que vous entriez, et que, quelques minutes plus tard seulement, les murs se mettent à tourner, vous donnant irrésistiblement le tournis. Vous fermerez les yeux quelques secondes pour retrouver vos esprits, vous essayerez d'oublier votre nausée. Quand vous soulèverez vos paupières, les murs ne seront plus blancs, bien au contraire. Une scène se jouera sur ces derniers, tout autour de vous, couvrant même l'ensemble du plafond, comme si vous y assistiez en chair et en os. Cette scène, souvenez-vous en : elle pourrait très bien arriver, dans la réalité. En effet, même si certains professeurs jurent que ce ne sont que des âneries, des sornettes, un moyen de plus pour le château de se moquer des élèves, ce qui est montré dans le divinatorium, ce sont des fragments du futur. Des prémonitions. Bien entendu, tout n'est pas parfait, et parfois le divinatorium se trompe. Mais pour beaucoup de sorciers reconnus, c'est tout à fait logique : ces scènes sont des visions du futur, et le futur est déterminé par notre présent, il change sans arrêt. Cependant, cette certitude ne doit pas vous empêcher d'être prudent : bien des élèves ont déjà perdu beaucoup d'argent à cause de paris, et ce parce qu'ils s'étaient fiés aveuglement au divinatorium.

Vous êtes un peu retard, alors vous pressez le pas, craignant d'avance les remarques désobligeantes que ne manquera pas de vous adressez votre professeur. Cela vous inquiète tellement, qu'une fois arrivés dans le couloir du deuxième étage, vous ouvrez la première porte devant vous. Vous vous attendiez à voir des tables alignées et les dos penchés de vos camarades... mais voilà que la mer s'étale à perte de vue devant vos yeux ébahis, et que vos pieds foulent du sable fin. Une brise vous décoiffe légèrement, puis se fait de plus en plus violente, et lorsque vous en venez à souhaiter être à l'abri du vent, le sable se change en un beau parquet ciré. Face à vous, ce n'est plus de l'eau salée, mais un bon feu de cheminée dont la rougeur des flammes éclaire l'ensemble de la petite pièce confortable. Vous n'êtes pas entrés dans votre salle de classe, mais dans la salle des illusions, celle qui semble vous emporter là où vous le souhaitez... alors qu'en réalité, vous ne bougez pas d'Ornebois. A contrecœur, vous quittez cet endroit si confortable... en effet, il ne vaut mieux pas y rester trop longtemps. Plusieurs élèves se sont ainsi pris trop longtemps au jeu, préférant rester dans les lieux si idylliques qu'ils visitaient, oubliant finalement que tout cela n'était que des illusions, un tour de passe-passe de la part du château, et que la nourriture qu'ils mangeaient, l'eau qu'ils buvaient, n'existaient que dans leur tête...

A Ornebois, tout le monde a déjà entendu parler du couloir sans fin. Chaque année, c'est la même chose. Dès la rentrée, on met au courant les premières années : il ne faut surtout, surtout pas s'engager dans ce couloir du deuxième étage. A chaque fois, cela les fait rire, et leurs aînés doivent leur raconter les mêmes histoires inquiétantes pour effacer leurs sourires effrontés de leurs visages. Ils leur expliquent comment plusieurs élèves s'y sont engouffrés et ne sont jamais revenus. Ils leur disent qu'on les a appelés pendant des heures, que les meilleurs sorciers sont allés les chercher... et qu'ils ont disparu à leur tour. A les entendre, on croirait presque qu'ils y étaient, qu'ils ont vécu l'angoisse de l'attente et ont vu les renforts partir de leurs propres yeux. Chaque année, certains élèves ignorent ces avertissements et la pancarte qui leur défend d'avancer. Chaque année, les garçons les plus téméraires s'amusent à aller le plus loin possible pour tester leur bravoure. Et chaque année, ils reviennent moins confiants et un peu plus peureux qu'à leur départ. Oui, chaque année, c'est la même chose.

Au second étage, deux types de cours sont donnés : des cours théoriques, la religion et les runes – histoire, mais aussi des cours plus pratiques, où la magie est directement utilisée, la métamorphose et les sortilèges. Par conséquent, on trouve aussi des salles de classe très différentes. Tout d'abord, des pièces assez petites, occupées par des rangées de bureaux, des étagères remplies de livres et de grands tableaux noirs, sur lesquels des craies écrivent toutes seules, suspendues par magie dans les airs. Dans ces cours, il y a peu d'action : les élèves passent l'heure à écouter et à écrire, utilisant rarement leurs baguettes, les doigts recourbés autour d'une plume, le dos penché sur leur parchemin. Dans les autres salles aussi, on peut voir des tableaux, des bureaux, etc. Mais les tables sont souvent poussées sur les côtés pour laisser un grand vide au centre des salles, espace permettant aux élèves de se placer deux par deux et de s'entraîner, alors que leurs professeurs circulent entre eux, leur prodiguant conseils avisés et remarques plus ou moins agréables.

Le bureau d'Honorense de Trevec est situé tout au bout d’un couloir du second étage, là où il n’y a que très peu de passage. Pour y accéder il vous faudra un mot de passe ou être accompagné d’un professeur. En effet, la porte est constamment gardée par son heurtoir ensorcelé qui monte la garde jour et nuit. L’intérieur même du bureau est assez sobre, hormis quelque touche personnelle rappelant l’appartenance de la directrice à la maison de Viviane. De nombreux tableaux et tentures sont accrochés sur les murs et le sol est recouvert d’un large tapis. Les fenêtres permettent à la clarté du jour d’entrer et de diffuser une chaleur ambiante. Sur le bureau d’apparence ordonné, trainent des parchemins et des livres. Derrière l’imposant siège de velours repose une grande bibliothèque et un perchoir où un hibou attend patiemment de porter une lettre.

Le bureau de Gildras Valcourt, directeur adjoint d’Ornebois, est beaucoup moins accueillant et plus solennel que celui de la directrice. A chaque coin de la pièce, des bougies brûlent sans discontinuité répercutant une chaleur étrange. Les murs de pierres brutes ne sont recouverts que d’une seule tapisserie. Les quelques élèves obligés de pénétrer dans ces lieux ne sont jamais bien enchantés d’avoir à le faire. Le bureau dégage un certain malaise, sans doute dû au fait qu’il n’est pas décoré et donc pas chaleureux. Le bureau de chêne semble toujours désordonné et Gildras Valcourt souvent de mauvaise humeur.