i want you to be safe

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L'air était frais, le ciel menaçant. Rares étaient les sorciers qui trouvaient le courage de s'aventurer à l'extérieur des murs du château, qui leurs offraient protection et chaleur. Mais le froid qui régnait depuis quelques temps sur la Bretagne ne faisait nullement peur à Gildras Valcourt. Il avait déjà eu à affronter bien pire durant ses précédentes expéditions dans le grand nord. Il se souvenait encore de ces longs voyages sur les mers glacées de Scandinavie et les rudes nuits d'hiver où sa propre magie ne pouvait l'aider à se réchauffer. Ainsi, il avait déjà souffert de conditions extrêmes et le doux climat Français venait à lui paraître presque comme agréable. Il se surprenait même à apprécier ces instants de calme, il n'y avait personne pour venir l'importuner durant ses longues promenades méditatives, pas même un professeur désireux de s'entretenir avec lui. En seulement quelques mois, la solitude était devenu pour lui un luxe qu'il ne pouvait que rarement s'offrir, malgré tout le plaisir qu'il pouvait trouver à se retrouver seul face à ses propres pensées. Oui, enfin, seulement si elle ne se trouvait pas à proximité de lui, en quel cas, son esprit ne semblait plus fonctionner de la même manière. Cela faisait bien quelques dizaines de minutes que le sorcier marchait aux abords du lac, profitant de l'un de ces rares moments de répits qui lui étaient accordés. Il ne cessait de frotter le cuir de ses gants - faits en peau de Léviathan, souvenir de l'une de ses innombrables aventures en terres étrangères - contre le fourreau en métal de sa baguette, accroché à sa taille. C'est alors qu'il l'avait  aperçu, elle et sa beauté froide, vêtue d'un long manteau de velours aux couleurs de sa demeure et assise sur les rives du lac. Son regard était plongé dans les profondeurs de ces eaux, elle semblait comme.. perdue. Il s'approcha alors doucement d'elle, afin de ne pas trop la surprendre. « Vous devriez rentrer à l'intérieur, Dame Almarian. Il serait fort dommage que vous attrapiez froid avant-même que les festivités pour Samain aient débuté... » Il la fixa quelques instants, son regard se fit même insistant, tentant de déceler sous son masque de fer un quelconque signe de faiblesse. Mais comme à son habitude, il se heurta contre ce mur de glace qu'elle avait érigé afin de se protéger, un mur qu'il tentait tant bien que mal de franchir au fil de leurs rencontres. Vaincu, il finit alors par lui adresser un sourire en coin, il savait que tout ceci n'était encore qu'une question de temps, et lui tendit sa main droite, l'invitant ainsi à se joindre à lui dans sa balade. « Puis-je ? »

Ce froid hivernal qui s’insinuait en elle, cette brise glaciale qui fouettait chaque parcelle découverte de son corps, ces moments de quiétude totale où le silence est roi. Almarian ne s’en lassait pas. Chaque hiver passait dans sa Bretagne natale sonnait comme une lente agonie. Une mort certaine attendait les végétaux et autres êtres vivants. Une douce et inévitable mort. Il n’y avait pourtant rien de triste en cela. L’hiver passerait et le printemps apporterait à nouveau la vie. Le cycle incessant des saisons passerait et la jeune femme serait toujours là pour le voir. Comme une colonne soutenant un édifice, Almarian de Broerec avait les pieds fermement ancrés dans le sol de Bretagne. Pour rien au monde elle ne quitterait ces lieux.

Les yeux désormais clos, elle appréciait d’une manière nouvelle les éléments qui l’entourait. Elle entendait plus distinctement les clapotis de l’eau et le murmure des êtres s’y mouvant. Elle distinguait clairement les divers chants des oiseaux et le froissement de leurs ailes tandis qu’ils prenaient leur envol. Et puis, étranger à ces sons naturels, elle entendit un bruit de pas froissant quelques feuilles tombées sur le par terre d’herbe. Elle rouvrit les yeux à temps pour se laisser surprendre. Son cœur rata un battement ou deux. « Vous devriez rentrer à l'intérieur, Dame Almarian. Il serait fort dommage que vous attrapiez froid avant-même que les festivités pour Samain aient débuté... » Son regard quitta enfin sa contemplation méditative pour plonger dans le regard bleu de l’homme qui possédait chacune de ses pensées. Silencieux, ils restèrent là, les yeux dans les yeux, se sondant l’un et l’autre sans résultat. Enfin, comprenant sans doute qu’il n’obtiendrait rien de plus de sa part, Gildras Valcourt sourit. Elle n’avait pas le souvenir de l’avoir jamais vu sourire à quelqu’un d’autre. Et, à chaque fois qu’il lui offrait cette petite marque d’affection, Almarian perdait tout bon sens. Son esprit se fermait et sa raison se cacher dans un coin. « Puis-je ? » Elle regarda cette main tendue et, avec un sourire discret, la prit. Si le froid régnait en maitre autour d’elle, une chaleur indescriptible, et incompréhensible, se répandit en elle.

Almarian prit son bras et marcha, lentement, à ses côtés. Était-ce bien raisonnable ? Et si quelqu’un les voyait ? Que dirait-on à son sujet ? Elle apercevait déjà le scandale. Hors d’Ornebois ils n’étaient rien de plus qu’un homme et une femme. Mais ici, dans l’enceinte même du château… Il était son professeur et elle sa jeune élève…  Pourtant la jeune femme ne prenait pas la fuite. Pas cette fois. Son désir d’être avec lui était plus fort que d’habitude. La solitude qui l’habitait n’aurait accepté personne d’autre à ses côtés. « Et vous sir ? Ne craignez-vous donc pas le froid mordant de ces régions ? » Elle avait parlé sur le ton de la conversation, ignorant le feu qui hurlait en elle. Peut-être sa voix l’avait-elle trahie. Peut-être avait-il pu déceler les battements effrénés de son cœur, ceux-là même qu’elle essayait d’ignorer.