L'étau se resserre.Né dans le domaine familial de Forgeterre à Blois, l'aîné de la famille de Rosset surprit tout le monde. Après tout, ses parents étaient jeunes, âgés d'à peine 16 ans tous les deux, et sa tante n'était rien de plus qu'une enfant. En effet, la jeune Colombe de Rosset avait tout juste 10 ans, et aurait très bien put être sa soeur. Mais son jeune père ne se défila pas, et le nomma Gauvain, l'aigle qui règne sur les plaines.
Ainsi, le jeune garçon débuta sa vie, choyée par une tante qui pensait jouer à la poupée, et bercée par une grand-mère qui voulait à tout prix aider son jeune fils dans son rôle de père. Avec tout ça, c'était à peine si la nourrice de Gauvain pouvait l'approcher ! Mais en même temps, ainsi entouré de filles, il ne manquait de rien. Sa mère aussi était présente pour lui, comme pour tout aîné après tout. Mais son père, mit à l'épreuve par son propre père afin de devenir un bon seigneur, manqua de temps à offrir au jeune Gauvain.
Alors, de jour en jour, il prit un peu de cette douceur dont seules les femmes ont le secret. Il apprit très tôt à marcher, mais manquait de fermeté dans ses pas. Il apprit aussi à parler, mais avec bien trop de tendresse et de volupté pour un homme.
Et, pour ne rien arranger, lorsqu'il avait à peine 2 ans, ses parents partirent pour Ornebois. Et son père, qu'il ne voyait déjà pas beaucoup, fut encore moins présent. Son grand-père, lui, trop occupé par d'autres affaires, n'étaient pas pour autant plus présent. Sa mère, elle, venait le voir le plus souvent possible, combinant du mieux qu'elle pouvait sa vie d'étudiante et de mère. Mais, là plus part du temps, Gauvain était avec sa grand-mère, sa tante, et sa nourrice.
Puis un jour, alors qu'il venait d'avoir 4 ans, son grand-père, qu'il voyait à peine, mourut. Après tout, c'était inévitable, il était très vieux, et avait vécu une belle vie. Mais cela ne réconforta pas son père qui idolâtrait le vieil homme. D'ailleurs, Gauvain vit, à cette occasion, son père en train de pleurer pour la première fois, lui qui le pensait incapable de ce genre des choses. Pour le jeune enfant, son grand-père était juste partis. Enfin, c'était comme ça que sa tante le lui avait expliquée.
Et, pendant l'année suivante, son père, devenu le Seigneur de Rosset, chercha à se relever. Entre ses cours à Ornebois et ses nouvelles responsabilités de Seigneur, il peina un peu d'ailleurs. D'ailleurs, Gauvain ne comprit pas pourquoi il était à genoux, mais aida son père du mieux possible. Et, au fil de ses petites attentions remplies de bons sentiments lorsqu'ils étaient ensemble au domaine, son père finit par l'appeler, avec ironie, "ma fille", ce que Gauvain ne comprit pas non plus... Pendant la même année, sa mère tomba enceinte, accouchant, alors que Gauvain avait 5 ans, d'une belle fille qu'il nommeront Maude, une fille de plus à ajouter à l'entourage du jeune homme.
Et la petite Maude grandit, tandis que le jeune Gauvain se mit à courir. Enfin, courir, il le faisait déjà depuis un moment. Il jouait, déjà depuis un moment, avec sa tante. Seulement, là, du haut de ses 6 ans, il commençait à courir trop loin. Mais son père, convaincu que Colombe était assez grande pour savoir éviter le danger, la laissa s'occuper de ça. Néanmoins, elle manque de rapidité quand Gauvain se jeta dans des hautes herbes volontairement laissées dans un coin du domaine...
Trop téméraire, il finit par se faire mordre par une vipère. Une vipère de Russell, il ne pouvait tomber plus mal. C'était l'espèce la plus venimeuse qu'on pouvait trouver dans le coin. Instantanément, le morsure enleva de son visage tout sourire au profits de cris de douleurs. Il était touché à la cheville. Dès lors, sa tante, se refusant de le laisser, une seconde de plus, seul face au danger, trouva rapidement un bâton, et alla le chercher. Avant le moindre pas, elle frappait violemment le sol avec le bout de bois, et finit par sortir son neveu des hautes herbes.
Ameutés par le bruit, sa grand-mère, sa nourrice, ainsi que son père se jetèrent dehors. Même la mère, tenant Maude dans les bras, tenta de les suivre. Colombe leur expliqua alors rapidement la situation, précisant même ce qui l'avait mordue. Le jeune homme était déjà fiévreux. Trop inquiété par Gauvain pour réprimander sa soeur, le père le fit coucher dans sa chambre, tandis qu'il descendit à son atelier. Il était apothicaire, et n'avait malheureusement plus d'antidote approprié en stock. Mais il avait les ingrédients et savait quoi faire.
Seulement, un antidote ne se prépare pas en un tour de main. Alors, en attendant son père, Gauvain dut subir. Sa fièvre montait, et il avait mal. Sa force le quittait, ne lui laissant même plus la force de crier, mais à peine de chuchoter. Sa tante, paniquée et se sentant coupable, le veilla tout du long, appliquant, de temps à autre, un tissu humide sur son front. Sa mère et sa nourrice, étaient aussi présentes dans la pièce, la seconde se promettant de ne plus jamais quitter le jeune homme des yeux. Sa grand-mère, elle, était sûrement partie aider à l'atelier. S'en suivit une longue période d'attente. Au bout d'un moment, sa mère, ne supportant plus de voir son fils dans cet état, finit même par sortir, la larme à l'oeil, avec sa fille. Colombe, elle, ne cessait de s'excuser, mais c'était à peine si Gauvain l'entendait. Sa température était tellement élevée que sa vue s'en retrouvait brouillée, et que ses oreilles bourdonnaient. Il ne savait même plus où il était. Il avait peur, très peur. Que lui arrivait-il ? C'était long, tellement long qu'il crut attendre des jours entiers. Il était tellement faible qu'il ne pouvait même plus bouger. Il était piégé.
Mais, finalement, il sentit un liquide couler dans sa gorge, et, un moment plus tard, il retrouva la vue, puis ses oreilles cessèrent de bourdonner. Là, sa chambre réapparut devant ses yeux. Sa tante, rassurée, était assise juste à côté de son lit. Sa nourrice, dans tous ses états, se tenait debout en face de lui. Sa grand-mère et son père, eux, était à demi assis sur le lit. Sa mère, elle, n'était même pas là... Gauvain allait mieux, mais était encore faible. Il lui faudrait sûrement du temps pour se remettre complètement.
"Colombe, lâcha alors le père, tu m'expliques ce qu'il s'est passé?
-J'ai, balbutia-t-elle, j'ai manqué de vigilance. Je, je sais pas mais...
-Ce n'est pas sa faute, la coupa Gauvain d'une voix encore faible. J'y suis allé tout seul. L'herbe était tellement haute que je pensais pouvoir disparaître en m'asseyant dedans. Ça m'a tellement fait rire que je ne l'ai pas écouté."A ces mots, un léger silence se posa. Colombe, médusé, se refusa de couper l'élan de courage de son neveu, tandis que les autres, sidérées, n'aurait jamais crus cela possible de la part d'un si gentil garçon.
"Gauvain, repris finalement son père avec un calme surprenant. Regarde-moi."Le jeune garçon, intimidé, hésita d'abord. Mais face à l'insistance de son père, il s'exécuta.
"Tu es mon aîné, reprit le père de Rosset, mon héritier. Alors, écoute ce qu'elles te disent. Ta tante, ta nourrice, ta grand-mère, ta mère, elles ne veulent que ton bien. Alors, de grâce, Gauvain, fait attention à toi.
-Oui"Et, depuis, il ne vit plus jamais le jardin de la même façon, développant une grande peur envers les reptiles. Mais aussi, il commença à montrer de l'intérêt pour les livres, tout particulièrement ceux traitant des soins. Ainsi, son père en profita pour lui apprendre à lire.
tend la joue gauche, et devient un hommeD'ailleurs, pendant la même année, la mère de Rosset tomba de nouveau enceinte, et accoucha, alors que Gauvain venait d'avoir 7 ans, d'un jeune garçon qu'ils nommeront Yvain.
Tout comme avec Maude, Gauvain chercha d'abord à ne pas s'y intéresser. Après tout, il ne marchait même pas, sa soeur commençant à peine à poser un pas devant l'autre. Seulement, sa tante, elle, leur offrit de l'attention, ce qui rendit d'abord Gauvain un peu jaloux. "Qu'ils grandissent, puis ils pourraient les suivre, pensait-il". Ils voulaient retourner dans les jardins, en faisant juste un peu plus attention... Mais sa tante n'était, envers et contre tout, pas de cet avis. Alors il s'y plia, et se surprit même à aimer les câlins que ces petits bouts de personnes lui offraient. En fait, s'occuper de Maude et Yvain, c'était plus calme, mais pas inintéressant pour autant.
En parallèle, le père de Gauvain s'intéressa plus au jeune garçon. Il lui apprit à monter à cheval, approfondit l'apprentissage d'apothicaire de son fils, et commença à lui faire toucher du doigt d'autres disciplines. Ainsi, Gauvain apprit à faire quelques potions et remèdes, mais son père ne parvint, à aucun moment, à lui faire approcher des serpents. Après tout, le forcer, lui qui était encore si jeune, n'aurait fait qu'agrandir sa peur. Alors, il le laissa camper dans ses retranchements. Mais, ce qui le gêna plus, ce fut cette petite épée en bois que son père lui mit entre les mains, et les faux coups qu'il lui assénait avec une autre. Il devait apprendre à se battre, d'après lui. Mais, de son côté, il n'en avait pas envie. Il voulait juste être paisiblement, bien que sa tante soit partie, à son tour, à Ornebois alors qu'il avait 8 ans. Mais il n'avait pas envie de se battre, et ce avec qui que ce soit. Après tout, le hasard était déjà bien assez cruel, parfois.
Mais, du haut de ses 9 ans, Gauvain apprit à lire entre les lignes. Ce n'était plus un enfant après tout. Il finit par voir comment les autres regardaient sa famille, et cela le peina beaucoup. Non qu'il soit sorti pour la première fois du domaine à cet âge là, mais, là, il perçu, comme jamais auparavant, la tension qui régnait en leur présence. Pourquoi ? Lui qui était pourtant tellement ouvert, qui se battait jour après jour pour être tellement gentil ? Il voyait à présent que les gens lui répondaient, tout en restant bien éloignés, presque comme s'ils avaient à faire à un pestiféré. Et le doux cocon que sa tante, sa mère, sa nourrice et sa grand-mère avaient formés autour de lui se brisa juste devant ses yeux. Il avait compris que les de Rosset n'étaient pas très bien vu. Mais pourquoi ? Cherchant d'abord à ne pas y prêter attention, cela finit par l'obnubiler, hantant chacun de ses pas. Qu'avait-il fait de mal ? Il ne le savait pas. Mais pendant une année entière, il vécu avec, feignant la joie avec sa famille,et rejetant la haine des autres.
Mais, le jour de ses 10 ans, un banquet fut organisé. Après tout, la coutume voulait que les nobles se voient, se rencontre et festoient pour un rien, peu importait les états d'âmes du jeune hommes, d'autant plus qu'il ne les avait partagé avec personne. Alors, lorsque son père lui annonça cela, il arbora un large sourire forcé, et redouta la fête à chaque seconde qui passa, comme chacune de leur sortie d'ailleurs.
Et, comme toujours, cette fois ne dérogea pas à la règle. Il sentait toute cette hypocrisie suinter de par les ports de leurs invités, qui n'étaient pas tous présents d'ailleurs. Mais il serra les dents, encore, ou du moins, jusqu'au soir.
La nuit était tombée depuis longtemps, et il était temps d'aller se coucher. Mais Gauvain, dans sa chambre, s'étant tut une fois de trop, n'en pouvait plus. Il en avait assez, assez de voir tout ça, ce qui pouvait se résumer en quatre mots d'une simplicité étonnante : la vie en société. Il avait envie d'agir, mais comment ? Devait-il prendre les gens un à un par les épaules pour leur hurler toute sa frustration, ou pleurer sur leurs épaules ? Devait-il résister, ou se laisser faire ? Se laisser faire, il l'avait déjà bien trop fait. Et puis, après tout, c'était son père qui lui avait appris à se battre, et sûrement pour cela d'ailleurs. De rage, se jeta alors sur le mur en face de lui et s'y donna à coeur joie. Il frappait, frappait, encore et encore, dans des cris qui évacuaient toute sa frustration.
Il hurlait tellement fort qu'il en ameutant le reste du château. Par chance, les invités étaient tous rentrés chez eux. Alors, seuls Colombe et le père de Rosset débarquèrent. Mais, loin de faire arrêter le jeune Gauvain, qui ne remarqua d'ailleurs même pas qu'ils étaient rentrés, ils attendirent qu'il ait fini. Là, le pauvre enfant s'effondra par terre.
"C'est bon, intervint alors son père, tu as fini?"Là, Gauvain se retourna, et vit son père, debout et impassible, se tenir en face de lui. Colombe, elle, était assise en retrait.
"Je ne comprends pas, répliqua le jeune garçon d'une voix saccadée. Pourquoi on nous regarde comme ça ? Qu'avons-nous fait ?"A ces mots, son père, étonnamment doux, le releva, le fit s'asseoir à côté de Colombe, et s'assit à son tour.
La tante et le père entouraient le jeune Gauvain.
"Tu sais ce que nous faisons, débuta Colombe, n'est-ce pas.
-Nous faisons des potions et dans onguents pour ceux qui en ont besoin , répondit le garçon. Mais je ne vois pas ce que...
-Seulement, parfois, nos concoctions ne suffisent pas, le coupa le père. Certains vantent notre savoir, et d'autres viennent pour acheter de quoi refermer des plaids destinées à rester à jamais ouvertes. Le savoir d'ailleurs, tant qu'on en parle. On sait comment manipuler le poison pour en faire des remèdes. Et forcément, certains voient le mal partout, pensant alors que nous travaillons, en parallèle, à la création de poisons. Alors les gens fabulent, et vont jusqu'à nous voir responsables de quelques mystérieux empoisonnements ayant eut lieux au court des âges.
-Mais c'est idiot ! s'exclama Gauvain en relevant brutalement la tête. Ce que nous faisons aide déjà bien assez de gens pour qu'on nous mette sur les dos les quelques cas désespérés. Et jamais vous n'empoisonneriez personne. Nous devons nous défendre !
-Non, répliqua Colombe. Ripostes, et ils prendront cela pour des aveux. Détourne le regard, et ils finiront par se taire, peu-être.
-Mais, balbutia Gauvain avec incompréhension, mais, père, vous m'avez appris à me battre pourquoi alors ?
-Pour le moment où ta vie sera menacée, répondit-il. Si un jour cela arrive, bat-toi sans hésitation. Si ce n'est que ton image qui est entachée, reste patient et n'écoute pas. Mais ne cède jamais, je dis bien jamais, à la violence vénale.
-D'accord."Et depuis, Gauvain n'a mieux été perçue par le commun des gens. Mais il le vivait mieux, sachant pertinemment que ces tâches, que le monde voyait, n'étaient que les reflets de racontars non fondés.
Suite à cela, se rapprochera de ses deux cadets, aimant jouer avec eux dans le jardin, avec insouciance et joie. Tout en les gardant éloigner des hautes herbes, se rappellera alors cette belle époque où il ne voyait pas, où il vivait paisiblement. Hésitera alors à protéger Maude et Yvain de tout cela, mais s'y refusera, pensant que cela ne ferait que repousser l'échéance, rendant le moment bien plus dur à passer. Cette impuissance restera, pendant bien longtemps, un de ses malheur d'ailleurs.
"Au point où on en est, assume."Mais l'année suivante, le nouveau prétendant qui allait épouser sa tante mourut aussi juste avant le cérémonie. Et naquit une nouvelle rumeur prétendant que Colombe était maudite. Mais Gauvain tint bon, se concentrant encore et toujours sur l'entraînement que lui imposait son père. D'ailleurs, à ses 10 ans, ce dernier troqua les épées en bois contre des épées d'entraînement en fer. Elles étaient émoussées, et ne coupaient pas, mais étaient déjà bien plus lourdes.
Aussi, son père commença à forcer un peu la main de Gauvain vis-à-vis des reptiles de la fabrique. Tôt ou tard, il faudrait bien qu'il les approche après tout. Alors, il commença par forcer le jeune homme à assister à la création de quelques remèdes, et surtout au moment où il extirpait le venin des serpents.
Alors, Gauvain, dégoûté et replié dans un coin de la pièce, regardait avec crainte ses créatures onduler sur la table, finissant même par en cauchemarder la nuit.
Mais Maude, elle, âgée d'à peine 5 ans au moment des faits, était bien moins craintive et s'arrangeait parfois pour être de la partie. Avec elle en revanche, son père devait agir différemment, allant même parfois jusqu'à l'éloigner afin qu'elle ne se mette pas en danger.
Il savait qu'elle bougeait trop pour rester dans l'atelier. D'ailleurs, le père de Rosset se tannait toujours pour l'en sortir. Mais comment refuser à un de ses enfants cela ? Il lui montrait comment faire, pour qu'ils en fassent de même plus tard, avec leurs propres enfants, et ainsi de suite. Mais bon, faut-il encore qu'il y ait un plus tard...
Un jour, où Gauvain était encore et toujours cloîtré dans un coin, Maude escaladait la chaise de l'établit afin d'observer un peu. Leur père, lui, remettait une vipère dans sa cage. Et, au même moment, un serviteur arriva avec une espèce peu commune de serpent. Face à son entré, Gauvain, sursautant, s'éloigna. Mais le serviteur, au château depuis peu, était tout tremblant, ayant peur de la morsure. Alors, fatalement, il chuta. Et le serpent atterrit juste à côté de la jambe que Maude venait de poser à terre... Tout se passa vite, trop vite. Le père de Rosset, venant de se retourner, n'eut même pas le temps d'intervenir. Le serpent, tête levée, avait la bouche ouverte : il avait pris ce choc pour une menace... Il allait mordre, et sans tarder.
Gauvain le redoutait et depuis longtemps. L'accident, avec ces créatures, cela arrivait si facilement. Gauvain, blottit dans son coin, avait peur, froid, et sentait la douleur que sa soeur allait endurer. Tout allait trop vite, bien trop vite. Non. Pas elle aussi. Personne ne devrait subir ça. La morsure, la douleur, et tout ce qui s'en suit. Gauvain, dont le coeur palpitait avec une force insoutenable. Voyait ce qui allait se passer, mais il ne pouvait intervenir. C'était plus fort que lui. Alors, il se contenta de lâcher un grand "Non!!!", qui figea presque le temps. Gauvain avait froid, très froid. Il avait peur, un peu plus à chaque seconde. Il fixait le serpent avec crainte, et ce dernier lui jeta un regard étrange, pour finalement s'enfuir.
Suite à cela, Maude fut interdite d'entrer dans l'atelier, et le serviteur fut renvoyé. Mais, vis-à-vis de son fils, le père de Rosset semblait plus évasif. Il le força toujours à être présent à l'atelier de temps à autres, mais cessa de tuer le moindre serpent en sa présence. Il se mit aussi à poser des questions à Gauvain. Il l'interrogeait sur ce qu'il ressentait, comme ça allait, s'il était fatigué, moite, et j'en passe.
Puis, à ses 11 ans, Gauvain se rendit avec son père à la boutique des de Sombralin afin d'être choisi par une baguette. Seulement, comme aucune ne le choisit là-bas, ils durent se rendre chez les de Longuevialle. Ainsi, ils s'y rendirent en fiacre, et le père insista pour être seul avec son fils pendant le trajet. Il avait à lui parler. Et, à peine les chevaux lancés, il entama la conversation.
"Tu tiens vraiment à ignorer cela indéfiniment ? demanda-t-il à son fils.
-De quoi parlez vous ? répliqua Gauvain"
En fait, le jeune homme ne voyais vraiment pas de quoi parlait son père.
"Ce jour-là, reprit-il, quand Maude et toi étiez dans l'atelier, sais-tu ce qu'il s'est passé ?
-Mon cri à dut faire peur au serpent, répondit le fils. Vous dites vous-même qu'ils sont sensibles à certaines voix.
-En effet, répliqua le père, à certaines bien plus qu'à d'autres. Comme tous les animaux après tout..."Comment lui dire? Comment lui faire comprendre, sans pour autant le braquer ? Le père de Rosset aurait bien aimé le savoir... Gauvain, lui, ne comprit pas, refusant presque d'entendre le sous-entendu évoqué. Il cherchait les mots pour contredire son père, mais ne les trouva pas.
"Tu sais de quoi je veux parler, enchaîna alors son père. Tu lis beaucoup et tout le monde le sait.
-Non, répliqua Gauvain. Moi, lié à ces choses ? Impossible. Elles sont bien trop dangereuses, bien trop..."Les mots lui manquaient.
"Repousse les tant que tu le veux, conclut le père. Ce genre de choses finira par te rattraper."Et le trajet se termina dans le silence. Gauvain, songeur, réfléchissait. Lui, vraiment ? Il avait lu quelques livres traitant de cela. Ça parlait des imprégnés. Mais pour lui, en être un, et surtout lié aux serpents, était impensable. Ainsi braqué sur son idée, il se répéta cela jusqu'à l'arrivée.
Et, une fois là-bas, il fut choisi par une baguette en aubépine. Cela expliquait tout : les de Sombralin n'en vendaient pas. Encore une raison d'être mal vu... A ce rythme, ils n'étaient plus à ça près.
A leur retour, Gauvain débuta son apprentissage. Mais, avant de débuter à manier la baguette, son père insista pour lui parler, sur un banc, en bordure de jardin, en face d'un étang, et surtout ,entouré par des hautes herbes. Gauvain était nerveux, très nerveux même, mais, face à l'intérêt qu'il présentait pour ce que disait son père, il parvint à se concentrer. Gauvain débuta son initiation à la magie. Il présentait un réel intérêt pour les sorts de soins, mais son père le poussa quelques peu vers ceux de combat.
Parallèlement, depuis, son père le força, chaque jour, à rester quelques temps avec lui sur ce banc, sans que rien ne se passe pendant 5 ans.
Seulement, le jour de ses 16 ans, Gauvain sortit dans les jardins, pour une nième moment à passé avec son père sur ce banc.
"Elles sont dangereuses, affirma le jeune homme tout en s'asseyant. Pourquoi les approcher ?
-Alors pourquoi approcher un chat dans ce cas ?répliqua le père. Ça mord et ça griffe. Pourquoi approcher un cheval ? C'est je ne sais combien de fois plus massif que nous, et ça pourrait nous briser la tête d'un coup de sabot. Tous les animaux sont dangereux, lorsqu'on ne les écoute pas."Ce discours, il le sortait à chaque fois, mais Gauvain n'arrivait pas à y accrocher. Les chats et les chevaux ne lui avaient rien fait après tout. Il s'était, peu être, reçu un ou deux coups de pattes, et avait eu à encaisser une ou deux chutes. Mais la douleur ne durait jamais bien longtemps.
"Si vous le dites, enchaîna Gauvain. Mais, et vous le savez, je n'arrive pas à y croire. Vous m'avez demandé d'être honnête et je le suis. Mais faites les venir, qu'on en finisse."Et, à ces mots, trois serpents, cachés dans les hautes herbes et les arbustes avoisinants, sortirent leur tête et leur écailleux corps rampant. Leur peau luisait sous le soleil chaud de l'été, et leur yeux brillaient avec une telle intensité qu'on se sentait directement observé. L'un était vert sombre et plutôt fin, quoi que long. Le second était plus pâle, et épais, mais très petit. D'ailleurs, il risquait de prendre mal en restant ainsi à la lumière. Mais ce n'était pas plus mal qu'il soit là : son père allait stopper l'exercice plus tôt. Le troisième, lui, était très fin et très petit, mais sa couleur était tout à fait remarquable. Il était vert avec des reflets bleus azur. Une vraie merveille, si cela n'avait pas été un serpent... D'ailleurs, dès leur apparition, Gauvain se crispa.
"Pas la peine de répéter, constata le père avec satisfaction."Il faisait ça à chaque fois. Il prenait une fiole remplit d'un étrange liquide - l'attractif, il appelait cette mixture à l'odeur nauséabonde comme ça- et il l'ouvrait afin d'attirer les serpents, puis faisait croire à Gauvain qu'il s'était fait obéir par ces reptiles. C'était devenu un rituel de faux compliments plutôt bien rodé. Mais, à chaque fois, le jeune de Rosset entendait le bouchon glisser contre le verre.
"Maintenant, reprit-il, fait comme il te plait. Reste ici, soit à les craindre attendant mon autorisation pour fuir, soit à te concentrer. Qui sait, peut être que ça viendra cette fois."En 5 ans rien n'était venu, alors Gauvain était septique. Seulement, il se devait d'obéir à son père. Alors oui, parfois, il avait froid, et se sentait moite. Mais ça c'était le stress. La chair de poule le prenait et il suait, rien de plus.
Mais il resta là, quelques secondes, quelques minutes peut être. Enfin, pendant ces moments imposés par son père, Gauvain perdait la notion du temps. Peut être était-ce parce qu'il surveillait tous ces serpents, vérifiant bien qu'ils n'approchent pas. Mais, en général, ils se tenaient calme. Ils étaient là, mais rien de plus. Et cette fois ne dérogea pas à la règle. Ils étaient là, et attendaient. Gauvain, lui, les fixaient tour à tour, attendant le moment où il allait pouvoir partir.
"Alors? demanda son père.
-J'ai froid, répondit le fils. J'ai froid mais en dedans. Je vais finir par tomber malade. Je, je devrais aller me couvrir.
-Non, répliqua le père. Juste quelques minutes de plus."Alors Gauvain se plia aux exigences de son père, et resta. Mais ce serpent, le fin et long, le vert, il le fixait, vraiment, vraiment trop. Pourquoi dévisager ainsi un humain à la fin ? Pourquoi ? Petit à petit, cette question finit par obnubiler le jeune homme. Alors il plongea son regard dans celui du reptile, à la recherche de réponses. Pourquoi ? Pourquoi ? Sommes-nous si énigmatiques pour eux ? Si intriguant ? L'humain est, de son propre point de vu, beau. Mais qu'en pense un serpent ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? A chaque répétition, Gauvain se sentait de plus en plus bizarre. Il n'était pas vraiment dans son assiette, mais il ne pouvait pas s'arrêter. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi !
A cette dernière répétition, Gauvain eut l'impression de perdre connaissance. Il sentit l'espace d'un instant son corps tomber. Mais, en un claquement de doigts, il était déjà par terre, et ses yeux se rouvrirent. Mais, l'espace d'une seconde, il crut rêver. Il y voyait bizarre, très bizarre. Tout était en nuance de jaune orangé, et c'était presque à se demander si cela ne brillait pas. Au centre, tout était grossit, et sur les côtés, c'était l'inverse. Il avait froid, très froid même, froid comme jamais il ne l'avait eu avant. Mais, sous lui, une immense masse chaude l'apaisait. C'était la Terre. Au-dessus de lui aussi, des rayons chauds le caressait. C'était le Soleil. Ses membres, ou étaient donc ses membres ? Trop de questions. Le pauvre Gauvain était perdu. Mais, devant lui, des hommes, deux hommes l'intrigua. L'un était par terre, et l'autre était agenouillé à côté de lui. Le second était... son père ? Il était bizarre vu comme ça. Gauvain ne pouvait pas vraiment le décrire, seulement il était bizarre. Mais, dans ce cas, le jeune homme par terre, c'était...lui ? Peut être, il ne savait plus trop où il en était. Et il avait sommeil, très sommeil, si bien que ses yeux se fermèrent tout seuls.
Et ils se rouvrirent la seconde suivante, laissant apparaître devant le jeune homme un père à l'affût. Gauvain, prenant une longue et bruyante inspiration, était allongé par terre, et son père lui avait légèrement relevé le buste. L'aîné de Rosset, paniqué, respirait tellement vite qu'il en fit presque peur aux serpents qui n'avaient toujours pas bougé. Il leur faisait peur, alors il devait se calmer, ce qui s'efforça de faire. Respirant profondément, il se détendit, continuant de fixer son père sans un mot.
Puis, il se releva lentement, et s'approcha du serpent long et vert. Ce dernier, fixant avec zèle son maître, ne bougea pas d'un pouce, et ce dernier posa la main au sol, juste devant le reptile. C'est alors que le serpent glissa sur les doigts, puis la main, plus le bras de Gauvain, finissant par s'enrouler sur le membre de jeune homme. Puis le reptile, posant sa tête juste devant celle de l'humain, se figea, et les deux se regardèrent d'un œil mutuellement fasciné.
"On est amis, affirma alors le jeune de Rosset d'une voix entre surprise et joie."Ce jour-là, était entré, pour la première fois, dans l'esprit d'un serpent. Il vit selon ses yeux, comprenant le monde de son point de vu. Il comprit alors que les crocs de ses créatures n'étaient rien de plus que son épée, et que le venin n'était rien de plus que son sort de prédilection. Il ne faisait que se défendre, lui qui était si mal vu. Le serpent, loin de se laisser faire comme la famille du jeune homme, se défendait. Et, pour ça, Gauvain l'admirait. Il avait fait erreur, il devait l'avouer. Ils étaient bien plus respectables que ce que voulaient bien penser le commun des gens. Il s'était trompé, et ne referais plus jamais la même erreur.
Alors, depuis, Gauvain se refusa à tout préjugé, tout rejet, et toute haine vis-à-vis de quoi que ce soit, ce qui attisa la curiosité de bien des gens à Blois...
En parallèle, il continua à s'entraîner à la baguette, et à l'épée, qu'il troqua cette fois contre une véritable épée de combat. Il devait devenir plus fort. Non qu'il veille se battre face au moindre conflit, mais il voulait endurcir son esprit, encore, et toujours. Pour ça, le monde l'y avait déjà bien aidé, mais cela ne suffisait pas. Dans moins de 2 ans, il allait entrer à Ornebois, une école remplie de nobles potentiellement bourrés de préjugés. Il allait devoir affronter ça. D'ailleurs, à la mort de sa grand-mère, peu avant qu'il prenne 17 ans, il ne verra pas une larme, à la grande surprise de tout le monde. La même année, il eut aussi à tout expliquer à ses deux cadets. Ces derniers, vivant, à leur façon, la même chose que lui, il décida d'aller leur parler, comme son père et sa tante avaient fait pour lui 8 ans auparavant. C'était triste, mais nécessaire.
Il était solide, mais n'en demeurait pas moins sensible. Il s'était forgé une carapace autour de son corps, mais pleurait parfois en dedans. Il se refusait d'abandonner la douceur de sa tante, sa mère, sa nourrice et sa grand-mère. Mais il était un homme, lui, ce qu'il assuma tant bien que mal.
A ses 18 ans, il entra à Ornebois. Et forcément, son image resta telle qu'elle était à Blois. Mais peu importait. Gauvain pouvait apprendre, et c'était tout ce qu'il comptait pour lui. Forcément, dans tous les cours qui touchaient aux soins, Gauvain, passionné par cela, était aux anges. Il était déjà très doué, et faisait le bonheur des professeurs, mais ce n'était pas pour autant qu'il se reposait sur ses acquis. Guérir était un combat de tous les instants pour lui. D'ailleurs, dans les matières offensives, tel que les duels ou le tir à l'arc, Gauvain manquait un peu de hargne et hésitait bien trop longtemps, mais faisait de son mieux. Il avait beau se forcer, son naturel ne partait pas. Il était bien trop doux et gentil pour ça. Enfin, pour tous les courts théoriques, il écoutait, puisque, après tout, cela pouvait toujours servir, et il était là pour ça.
Ainsi d'année en année, il se perfectionna, atteignant sans se presser sa dernière année à Ornebois.
Et durant toutes ces années, il en vit, des hauts et des bas. Après tout, tous ces préjugés dont il était victime ne pouvait pas laisser de marbre. Soit on l'adorait, et on se moquait de ce que disaient les autres, soit on le détestait, et on l'évitait, lui et ses proches, comme la peste. Mais, Gauvain tenait. A coeur vaillant rien d'impossible après tout. Ornebois, tant l'école des sorciers que l'école de la vie finalement.