Il pleuvait ce matin-là. La pluie réveilla Elynore encore dans un demi-sommeil.  La jeune Delacour s'étira dans son lit et somnola un court instant. Puis le reste du dortoir s'éveilla. Comme ses camarades, la jeune femme se leva et se prépara avant d'aller prendre son petit-déjeuner dans la grande salle. C'était un jour ordinaire et les cours s'enchainèrent les uns après les autres. Elle suivit son cours de bienséance et celui de musique avec le professeur de Montmorency. La professeur remarqua ses efforts avec un enchantement certain. Il faut dire que depuis quelque temps, la jeune professeur avait placé la cadette des Delacour sous la protection de l'aînée des de Soissons. La belle blonde avait réussit au bout d'un moment à trouver l'instrument qui correspondait le mieux à Elynore, la Harpe. Depuis ce jour, la jeune élève de Viviane s'entraînait à jouer. Toutefois, l'acharnement de la jeune femme avait du mal à porter ses fruits. En effet elle avait du mal à rester concentrer et à accepter ses échecs répétés manquant de patience en vers elle-même.

Cet après-midi-là, Elynore avait demandé à la jeune de Soissons de bien vouloir lui accorder quelques unes de ses heures. Elle voulait que la Blonde l'aide à s'entrainer pour jouer un morceau à la harpe. Aliénor avait généreusement accepté au grand plaisir de la Delacour. C'est pourquoi après ses derniers cours de la journée, Elynore s'était dirigée vers la salle de musique au premier étage. Elle marchait d'un pas léger et enjouer. Étrangement, elle était nettement plus joyeuse d'aller dans cette salle que lorsqu'elle y retrouvait les autres élèves pour les cours. Son état était surement du au fait que jouer avec Alinéor était beaucoup moins stressant pour elle.  Arrivée devant la porte, elle la poussa doucement. Elle entra dans la pièce qui manquait un peu de lumière. Le temps pluvieux était le principal responsable de ce manque cruel de luminosité.  Elle y posa ses affaires et alla chercher la harpe. Elle s'assit au près d'elle et commença à répéter en attendant sa mentor. Les premières notes qui s'élevèrent firent grincer ses dents. Non elle n'y arrivait décidément pas. Heureusement pour la jeune femme son supplice allait bientôt toucher à sa fin. Entre deux fausses notes particulièrement désagréables à l'oreille, elle entendit le bruit de pas se rapprochant. Finalement la porte s'ouvrit et Aliénor de Soissons fit son apparition. Elynore abandonna sa harpe et s'élança vers la blonde comme on s'élance à l'encontre de son sauveur.

« Aliénor !  Je n'y arrive vraiment pas, mais vraiment pas du tout. Il faut absolument que tu m'aides ! »

La jeune Delacour avait atterri dans les bras de sa mentor qui posa une main rassurante sur son épaule. Alors que la jeune femme blonde lui murmurait quelques douce paroles, l'agacement de pas y arrivé s'envolait petit à petit du cœur d'Elynore. Aliénor de Soissons et sa voix chantante faisaient des miracles. Elle arrivait toujours à calmer la pauvre fille désespérée elle-même de son manque d'aptitude à la musique. Pourtant, l'aînée des filles de Soissons portait un regard toujours pleins d'espoir et d'encouragement sur la jeune femme. À croire que son cas n'était peut-être pas si désespéré que cela finalement. Laissant Aliénor la raccompagnée jusqu'à sa harpe, Elynore se détendait progressivement. Il était vraiment temps que sa mentor arrive à la rescousse. La jeune femme aux boucles châtain commençait doucement à avoir quelques crampe aux épaules à force de se crisper sur les cordes du pauvre instrument. Elle en était certaine, si la harpe avait des sentiments, elle aurait peur à chaque fois qu'elle voyait débarquer sa tortionnaire attitrée, Elynore Delacour.

Une fois de nouveau installée devant sa harpe, Elynore la regarda avec l'air de s'excuser. À la demande de la Blondinette, elle se redressa de toute sa maigre hauteur et aborda un maintient impeccable. Les quelques cours dispensés par son père à Blanche Epona aurait-il fini par porter leur fruit. En fait, ce n'est pas parce qu'Elynore ne le montrait pas qu'elle ne retenait rien. Déjà petite, dans ses appartements, il lui arrivait d'imiter le port  de tête de sa sœur et sa façon de marcher. Elle les avait appris en l'imitant comme un singe. Mais d'un caractère qui ne collait pas avec toute cette étiquette, elle s'était empresser de cacher son apprentissage. De toute façon, la jeune Delacour avait du mal à rester en place bien longtemps.  Elynore regarda Aliéonor s'assoir enfin devant le clavecin. Elle l'écouta faire quelques gammes. Les notes étaient justes, douce et mélodieuses. Aliénor fit un petit signe de la tête à Elynore pour l'inviter à la suivre. Respirant un grand coup, la jeune Delacour posa ses doigts hésitant sur les cordes de la harpe. Puis se laissant porter par la musique de sa mentor, ses doigts et ses mains se mirent à bouger. Le son monta dans la salle comme porté par l'air. Il était magnifique, sans discordance. La harpe et le clavecin s'accompagnait à merveille. Surprise par elle-même, Elynore se prit à sourire. Les gammes, Elynore les connaissaient bien. Il fat dire que la jeune femme s'était à de multiple reprise acharner à les réaliser plus ou moins d'ailleurs. Mais le grand problème restait son manque de patience. Lorsqu'elle n'y arrivait pas, elle laissait facilement tomber, préférant alors se changer les idées en allant à l'écurie d'Ornebois, ou du village, lorsqu'elle arrivait à sortir en douce des enceintes protectrices du château.
Puis Aliénor s'arrêta de jouer. La jeune Delacour l'imita prestement attendant la suite du programme. « Nous allons commencer par quelques accords. Ensuite nous verrons le morceau que tu voulais me montrer. », dit simplement Aliénor de Soissons. La Delacour hocha de la tête et reprit sa position. Elle ajusta son maintient et replaça ses doigts sur les codes de la harpe. Légèrement pressée, Elynore commença les accords, attends d'être rejointe par la jeune femme. Elle en profita pour parler de son morceau.

« Aliénor, tu sais ce n'est pas un morceau extraordinaire. Mais j'ai eu envie de l'apprendre. Au bal, mon cavalier m'en a parler. Il m'a dis qu'il appréciait le son de la harpe. Alors tu vois...
Comme il m'a invité, j'aimerai lui faire un petit cadeau. Pour le remercier d'avoir passer une bonne soirée.. »
Les joues de porcelaine de la jeune fille prirent une délicate teinte rosée. Sentant qu'elle rougissait, Elynore se mit à avoir un peu chaud et manqua un accord. « Oh je suis désolée », s'excusa-t-elle. Elle essaya de se concentrer à nouveau. Toutefois, les vagues de ce qu'elle venait de dire la perturbaient encore. Elle fit quelques fausses notes, qu'elle s'attela à dissimuler.

La jeune femme aux petite bouclettes châtains regarda venir à elle la de Soissons. Elle ne la quitta pas des yeux et ses yeux se baissèrent lorsque cette dernière vint s’asseoir à côté d'elle. La belle Blonde se posa sur un tabouret un gronda légèrement la jeune Delacour qui ne put que reconnaître ses tords. Aliénor avait raison et Elynore le savait pertinemment. Mais ce que sa mentor réussissait sans difficulté, la Delacour peinait à y parvenir. Elle se laissait toujours porter par ses sentiments et pour elle la musique devait les refléter. Dans ces conditions, Elynore ne comprenait pas pourquoi elle devait rester impassible comme dénuer d'émotion lorsque ses doigts pinçaient délicatement les cordes de sa harpe. Toutefois, elle savait qu'Aliénor disait vrai et elle allait devoir redoubler d'effort si elle voulait y arriver.

Elynore croisa le regard de la de Soissons et les sourcils froncés de cette dernière la fit déglutir péniblement. Elle n'aimait pas voir sa mentor avec cette expression sur le visage. Il lui donnait un air quelque peu effrayant dénotant avec sa douceur coutumière. Elynore reporta vivement ses pupilles sur sa harpe et tenta de s'excuser une fois de plus.  « Je sais Aliénor. Mais pourquoi ne pouvons nous pas être remplie de sentiments quand on joue ? Je veux dire si il n'y a pas d'émotion la musique n'est pas belle. » bredouilla-t-elle. Et puis Aliénor posa ses doigts fins sur la harpe et Elynore ne prononça plus un mot. Décidément sa mentor était douée avec tous les instruments de musique. En l'écoutant Elynore comprit le choix de sa professeur de musique Aloïse de Montmorenccy. Aliénor était sans aucun doute la plus apte à l'aider. Ses dernière notes raisonnèrent dans la salle et Aliénor de Soissons arrêta de jouer. Elynore la regarda attendant une réponse de la jeune femme ou une explication à son questionnement. Mais ce ne fut pas cela que la Blonde vint lui murmurer au creux de l'oreille. « Et si tu me parlais un peu de ce cher sieur de Brissac ? Il m'a semblé tout à fait charmant lors du bal de Mithra. Et il semblerait que je ne sois pas la seule de cette avis. » Instantanément Elynore ouvrit de grands yeux face à son amie. Le rouge monta à ses joues et Elynore tenta de le cacher et plaça ses mains sur ses joues rosies. La jeune Delacour se leva alors précipitamment et tournoya sur elle-même avec un grand sourire. Nouant ses mains derrière son dos, elle minauda un peu puis essaya de reprendre un peu ses esprits. Alors d'une voix chantante Elynore répondit joyeusement.

« Et bien Alistère, il est tellement... oh Aliénor il est si... ses yeux sont...  Enfin tu vois il est tellement charmant. Il est si prévenant. Il est vraiment adorable. Ses yeux gris sont si magnifique ! »

Emportée par ses derniers mots Elynore leva les yeux au ciel comme dans une prière. Se jetant vers Aliénor, la jeune fille lança en rigolant.

« Oh il est de la maison de Lancelot en plus tu te rends compte ? »

Se redressant, Elynore alla se placer près d'une fenêtre. Elle souriait toujours un peu bêtement. La jeune demoiselle avait du mal à reprendre ses esprits et le cour normal du cours de musique que lui donnait sa mentor. Elle allait reprendre sa série de compliment au sujet du bel Alistère de Brissac, lorsqu'Aliénor lui coupa l'herbe sous le pied. « Il est vrai que si le Sieur de Brissac avait été dans la maison d'Arthur, il aurait été bien indécent de votre part de vous intéresser à ce jeune homme. » La remarque que lui fit la Blonde piqua la Delacour. Elle se retourna vers elle et afficha une petite moue. Ses yeux se baissèrent et elle vint se rasseoir sur son tabouret. La mine qu'elle affichait témoignait de tout son embarras. Aliénor avait-elle raison ? Et si elle avait raison ? Elynore était en pleine réflexion. Les maisons étaient-elles si importante que cela ? La jeune fille n'avait jusqu'à ce jour jamais prêté attention à ce jour. Mais le petit rire qui s'échappa des lèvres de la de Soissons rassura Elynore qui se détendit finalement. Se laissant porter par sa mentor elle rigola elle aussi.

Et puis les rires se turent. La jeune Delacour retint ses rires et reprit son souffle difficilement. Aliénor prit ses mains et la regarda fixement. Elynore, elle fit de même craignant ce que son aînée allait lui dire. Elle ne fut d'ailleurs pas déçue. Aliénor prit une mine des plus inquiétante au goût de sa cadette et lâcha d'un coup d'un seul :  « Voyez vous, ma douce je doute sincèrement qu'Alistère de Brissac soit doté de mauvaises intentions. ». Elynore la reprit instantanément ne comprenant pas où elle voulait en venir. « Mais Aliénor c'est plus qu'évident. Oh Aliénor, mais que veux-tu qu'il me fasse ? Il est si gentil... » Aliénor ne sembla pas percuter la remarque d'Elynore et continuait déjà sur le même registre. Elynore, elle se contenta de l'écouter une fois de plus.  « Mais je doute sincèrement qu'il soit sage de vous impliquer avec ce jeune garçon » « Mais pourquoi ? » commença à dire la jeune Delacour.  « Aussi charmant et avenant soit-il. Vous jugerez sans doute que j'ai contre cette passion une prévention trop forte. » « Aliénor .. »  « Mais je ne suis pas sans ignorer que votre main est déjà promise au Sieur de Bréhand. ». Cette fois Elynore ouvrit de grand yeux rond. Elle n'y comprenais rien. De quoi ou plutôt de qui lui parlait Aliénor. Qui était ce Melvyn de Bréhand ? Déjà son esprit était ailleurs. Elynore ne suivait plus la longue tirade de son amie. Même le contact de la main de la de Soissons ne suffit pas à la ramener à la réalité. Elle cherchait pourquoi se nom lui disait vaguement quelque chose. Et puis un mot frappa la réflexion intérieure de la jeune Delacour. Fiançailles, fiançailles, où avait-elle entendu ce mot la concernant ? Soudain, sa conversation aux écuries avec son frère Lancelin lui revint en mémoire. Oui c'était lui qui lui avait apprit la nouvelle. Enfin apprit, Elynore l'avait surtout écouté, avait ouvert la bouche, était restée interdite un bon moment avant de débiter un flot de mécontentement et de négation. Et cette fois encore, elle ne croyait pas ce que lui disait Aliénor. « C'est impossible Aliénor. Tu dois te tromper. Mes parents ne m'ont fiancée à personne. Sinon dans le cas contraire comment expliques-tu que je ne sois pas au courant alors que toi si ? Non vraiment cela ne se peut pas ! » Elynore s'était levée d'un bon. Elle n'y croyait pas, ou alors ne voulait pas y croire. Comment sa mère bien plus que son père avait pu lui cacher une telle chose ? Non, elle n'était pas fiancée et puis voilà. « Aliénor ? Alistère, je l’apprécie vraiment tu sais. Pourquoi tu ne me soutiens pas ? » Sa voix laissait paraître toute son incompréhension. Aliénor était plus que sa mentor. Elynore la considérait comme une amie, une amie à qui elle pouvait parler justement de cela.Et puis les dernières paroles d'Aliénor poussa la jeune femme à fixer son aînée avec des yeux remplis de malice. « Nous ne pouvons peut-être pas choisir notre futur mari, mais notre cœur n'appartient qu'à nous seule Aliénor. Nous ne pouvons le commander. Si par bonheur certaines d'entre nous tombent amoureuse de leur mari, les autres doivent composer. Et quand bien même j'étais fiancée, mon cœur n'appartiendrait qu'à celui qui a su me le ravir en premier et je ne regretterai jamais cette décision. N'en déplaise aux miens. Je ne renoncerai jamais à celui qui a su faire battre mon cœur au point que je ne trouve plus le sommeil. Mais Aliénor dit moi ? Parlons-nous de mon cœur ou du tien ? »

Elynore grinça des dents au son du tabouret. Elle regarda son aînée se lever un air plus que chafouin sur le visage. La jeune Delacour ne comprenait pas. Elle n'avait pas eu l'impression d'être méchante. Elle avait juste dit les choses comme elle le pensait. C'était vrai, Elynnore ne se voyait tout simpleemnt pas renoncer à l'homme qu'elle aimait. Mais elle était aussi raisonnable et elle savait bien qu'un jour elle devrait suivre les désirs de sa mère. Oui, chez les Delacour, le sort des deux dernières filles étaient presque uniquement du ressort de leur mère. « Vous me décevez Elynore. ». Sur ces mots Elynore resta sans voix. « Déçu, mais comment ? », elle avait déçu sa mentor. Mais comment en était-elle arrivée là ? Qu'avait-elle dit pour la mettre dans un état pareil ? La jeune femme n'en savait rien. Elle aurait bien tenté de le découvrir mais la gestuelle de la Blonde ne l'invitait pas à  poursuivre son questionnement. Elynore la regarda rejoindre son clavecin et rassembler ses partitions. Les yeux clairs de la Delacour suivirent quelques feuilles qui tombaient sur le sol. Par réflexe, Elynore se leva de son tabouret pour aller l'aider. Mais elle arriva trop tard. Aliénor avait déjà tout ramasser. D'un air désespéré et agacé, la belle Blonde lâcha d'un ton froid : « Cela fait des mois que je tâche de vous aider. Si mes conseils vous semblent superflus, et bien peut être feriez vous mieux de vous passer de mes services. ». Elynore tressaillit sur place. Elle ne connaissait pas cette partie explosive du caractère de l'aînée de Soissons. Elle venait de la découvrir à ses dépens.  « Mais Aliénor, je n'ai rien dis de tel. Attends Aliénor, je suis désolée. »
Il était encore trop tard une fois de plus. Aliénor quittait déjà son clavecin bruyamment. La note qui monta dans les airs couvrit les toutes dernières paroles d'excuse de la jeune femme aux boucles châtains. Elynore détourna le regard, consciente d'avoir commis une erreur. Le seul petit soucis c'est qu'elle ne savait pas lequel. Mais un chose était certaine, elle n'allait pas lui demander pour le moment. Elynore devait attendre que l'orage passe, il finirait bien par passer.
Finalement, la porte se referma d'un coup. Elynore se retrouva seule dans la salle de musique. Elle retourna au près de sa harpe et tenta un court instant de jouer quelques notes. Très vite elle cessa le massacre. Elle n'avait plus la tête à jouer. Elle se releva, rangea ses propres partitions et quitta elle aussi la pièce. En passant la porte, elle posa un regarda triste sur la harpe et le clavecin avant de refermer le chêne derrière elle. Elynore traversa les couloirs, retourna dans sa chambre pour ranger ses feuilles et finalement se dirigea vers les bords du lac de Diane.